La protection d’une œuvre originale ne repose pas uniquement sur une action en contrefaçon de droits d’auteur. La notion de parasitisme peut également être invoquée pour faire cesser une atteinte portée à une création. Toutefois, selon la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, les mêmes faits ne peuvent être sanctionnés à la fois sur le terrain de la contrefaçon et sur celui de la concurrence déloyale. Le choix de l’action appropriée constitue ainsi un enjeu stratégique pour le requérant, notamment sur le terrain de la compétence.

Dans une décision du 21 juin 2018, la Cour d’appel de Nîmes a confirmé que les règles en matière de parasitisme étaient applicables dans une affaire de publication de photographies non autorisées sur Internet.

Une société d’édition de photographies avait assigné un réseau de jardineries de France devant le tribunal de grande instance d’Avignon à la suite de la publication de diverses photographies sur leur site Internet sans autorisation et sans aucune mention des photographes qui en étaient les auteurs. La société requérante a décidé de se placer sur le terrain du parasitisme plutôt que d’intenter une action en contrefaçon de droits d’auteur. Celle-ci réclamait ainsi une indemnité en se fondant sur l’article 1382 du code civil (devenu 1240) et non sur les dispositions spécifiques au droit d’auteur.

En réponse, le réseau de jardineries a soulevé l’incompétence du tribunal de grande instance d’Avignon au motif que la requérante, en invoquant la présomption de qualité d’auteur prévue par l’article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle, fondait sa demande sur le droit d’auteur ( >>> rappelons que seuls certains TGI sont compétents pour connaître des litiges portant des questions du droit de la propriété intellectuelle).

La juridiction a finalement considéré que le Tribunal de grande instance d’Avignon était compétent car si les écritures du demandeur faisaient référence aux règles de la propriété intellectuelle et plus particulièrement à la présomption de la qualité d’auteur, elles ne faisaient que répondre au moyen d’irrecevabilité de leur action pour défaut d’intérêt à agir des photographes. Les prétentions du demandeur étaient donc en réalité fondées sur l’article 1240 du code civil et non sur les dispositions spécifiques du droit d’auteur.

Cette décision révèle qu’il peut être intéressant de se placer sur le terrain du parasitisme et non sur celui de la contrefaçon afin d’échapper aux contraintes de compétence territoriale propre à l’action en contrefaçon de droit d’auteur.

Plus généralement, il est primordial de bien distinguer ces deux procédures afin d’apprécier les avantages et les inconvénients de chacunes d’entre elles. Revenons sur les caractéristiques de ces deux actions qui visent toutes les deux la protection d’une création mais présentent d’importantes différences.

Quelles définitions ?

La contrefaçon est toute édition, production, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur.

L’auteur d’une œuvre peut invoquer une violation de ses droits moraux et/ou patrimoniaux.

La jurisprudence en matière de droit d’auteur sanctionne la reproduction de photographies sur Internet sans autorisation de l’auteur : « la reproduction non autorisée d’une œuvre protégée par le droit d’auteur constitue une contrefaçon. En conséquence, constitue une contrefaçon, la reproduction d’une photographie (…) sur un site internet sans autorisation » (CA Amiens, 14 oct. 2004, Chantilly Séminaire c/ CCI Oise, Juris-Data n°258379)

Par ailleurs, le fait d’omettre de mentionner le nom de l’auteur de l’œuvre reproduite sans autorisation sur le site, comme par exemple une photographie, constitue une atteinte à son droit moral.

L’action en parasitisme, au contraire, repose sur une logique économique et sanctionne l’appropriation du travail d’autrui.

Selon l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Nîmes le 21 juin 2018, « le parasitisme économique se définit comme l’ensemble des comportements par lequel un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire. Concrètement, il consiste à profiter d’une réputation, d’un investissement, d’un concept, d’un brevet, d’une technique. Le produit, la marque, le concept parasité n’est pas forcément protégé par un dépôt de brevet ou par la propriété intellectuelle, ou par toute autre protection légale spécifique : mais le préjudice existe bien, et le parasitisme appartient, en droit, à la typologie de la concurrence déloyale, avec pour caractéristique de ne pas venir d’un concurrent ».

Qui peut intenter une action en contrefaçon ou en parasitisme ?

L’action en contrefaçon n’appartient qu’au titulaire du droit d’auteur et à ses ayants droits.

Lorsqu’il est saisi, le juge vérifie que le droit dont se prévaut le plaignant est valablement protégé, et il statue sur l’atteinte portée à ce droit protégé. Ainsi, la contrefaçon existe indépendamment de toute faute ou préjudice.

Pour l’action en parasitisme, les règles du code de procédure civile s’appliquent.

Le demandeur à une action en parasitisme doit ainsi justifier d’un intérêt légitime qui doit être né et actuel, direct et personnel. Le demandeur doit être personnellement concerné par l’atteinte subie et avoir un intérêt à ce que son droit soit reconnu ou son préjudice indemnisé.

Il devra également justifier d’une qualité pour agir c’est-à-dire de posséder un titre ou un droit particulier pour pouvoir intenter l’action.

La victime n’a donc pas besoin d’être propriétaire du bien ou titulaire d’un droit direct sur ce bien. L’action en parasitisme est ainsi ouverte à un distributeur ou à un licencié, ce qui n’est pas le cas en matière de contrefaçon.

De même, lorsque l’auteur s’est dépouillé de ses droits au profit d’un cessionnaire, qui reste inactif, l’action en parasitisme pourra être une solution.

L’action en parasitisme présente également un intérêt lorsqu’une création ne remplit pas les conditions de protection en matière de droits d’auteur. Ainsi, le parasitisme, contrairement à l’action en contrefaçon de droits d’auteur peut être invoqué en absence de toute protection de l’œuvre.

Quelle compétence territoriale ?

La compétence ratione loci, conformément aux dispositions de l’article 46 du code de procédure civile, est au choix du demandeur : la juridiction du lieu où demeure le défendeur, celle du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage est subi.

La juridiction du lieu du fait dommageable peut être celle du lieu de la saisie, ou du lieu d’exposition et/ou de diffusion de l’œuvre contrefaisante.

Cependant, en application du décret n° 2009-1205 du 9 octobre 2009 fixant le siège et le ressort des juridictions en matière de propriété intellectuelle, seuls certains tribunaux sont compétents en matière de propriété intellectuelle : il s’agit des tribunaux de grande instance de Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nanterre, Nancy, Paris, Rennes et Fort-de-France.

Ratione loci, l’action en parasitisme est soumise aux règles du droit commun de la responsabilité civile qui suppose que le demandeur puisse, au visa de l’article 46 du code de procédure civile, saisir à son gré, soit la juridiction du lieu du domicile du défendeur, soit celle du lieu d’accomplissement du fait dommageable, soit encore celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.

Les règles de compétence en matière de parasitisme offrent donc un plus large choix de saisine de la juridiction compétente.

Quelles sanctions ?

La contrefaçon est un délit réprimé par le Code de la propriété intellectuelle. Elle est sanctionnée sur le plan pénal et sur le plan civil.

Les sanctions pénales sont prévues par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. La contrefaçon est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. Lorsque les délits prévus par le présent article ont été commis en bande organisée, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 500 000 euros d’amende.

Sur le plan civil, le contrefacteur peut être condamné au paiement de dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi avec notamment la prise en considération des conséquences économiques négatives subies par la partie lésée ainsi que son préjudice moral du fait de l’atteinte portée à ses droits ou encore les bénéfices réalisés par le contrefacteur.

Le juge peut prononcer la confiscation des recettes procurées par la contrefaçon et également ordonner une publication du jugement de condamnation.

En matière de parasitisme, le juge peut imposer des mesures au parasite telles que la cessation des agissements déloyaux pour empêcher que le dommage ne se produise. Ces mesures peuvent être assorties d’astreintes.

L’une des principales sanctions reste néanmoins la condamnation au paiement de dommages et intérêts. Certains critères sont pris en compte pour évaluer le montant du préjudice subi tel que le chiffre d’affaires de la partie lésée ou encore les économies réalisées par le parasite ou les bénéfices qu’il a pu percevoir sur le dos de la victime du parasitisme.

De même, la publication du jugement de condamnation pourra être ordonnée par le juge.

»Contrefaçon
  • Titularité : la titularité des actions en parasitisme est plus étendue, l’action en contrefaçon étant limitée au seul titulaire des droits d’auteur ;
  • Compétence : la compétence territoriale est plus étendue en matière de parasitisme puisque seuls certains TGI sont compétents en matière de propriété intellectuelle ;
  • Sanctions : le Code de la propriété intellectuelle prévoit la possibilité de sanctions pénales pour l’action en contrefaçon.