Dans une décision de la Cour d’appel de Paris du 15 mai dernier, l’artiste française Orlan s’est vue déboutée de son action en parasitisme et atteinte au droit à l’image, contre la chanteuse Lady Gaga. Les juges ont confirmé le jugement du tribunal et rappelé les conditions de la reconnaissance du parasitisme.

L’artiste Orlan est connue pour mener une réflexion sur le statut du corps dans la société et sur les pressions sociales qu’il subit. A ce titre, elle a reçu plusieurs opérations de chirurgie esthétique dont l’ajout d’implants posés de chaque côté du front. Elle déclare être à l’origine d’un nouveau courant d’art contemporain appelé « l’art charnel ».

A la suite de la sortie de l’album Born this way par Lady Gaga, l’artiste française a estimé que celle-ci avait copié ses oeuvres en se faisant poser des implants sur le visage, en reproduisant deux de ces personnages et en s’appropriant tout l’effort créatif d’Orlan, notamment son image.

Absence de parasitisme

Le parasitisme consiste, pour une personne physique ou morale, à se placer dans le sillage d’autrui en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements et ce sans bourse délier, indépendamment de tout risque de confusion.

Cette notion est essentiellement utilisée lorsqu’une entreprise reproche à un autre opérateur économique de se placer dans son sillage et de profiter ainsi volontairement ou de façon déloyale de ses investissements, de son savoir-faire ou de son travail intellectuel – produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.

Le parasitisme relève ainsi de la concurrence déloyale, et plus largement du droit civil. Il peut être invoqué en second lieu, comme une alternative à l’action en contrefaçon, qui relève celle-ci du droit d’auteur.

En l’espèce, l’artiste Orlan dénonçait un risque d’assimilation par le public entre son univers artistique et les éléments repris par Lady Gaga lors de la sortie de son album Born this way. Elle se fonde sur plusieurs de ses oeuvres, dont ce serait inspirée Lady Gaga.

Après s’être livrés à une comparaison détaillée des oeuvres en cause, les juges considèrent :

  • que la ressemblance d’ensemble n’est pas établie ;
  • que les oeuvres constituant l’univers d’Orlan et celles qui auraient été reprises ne sont pas de même nature ;
  • qu’il n’apparaît pas qu’Orlan et Lady Gaga soient en situation de concurrence.

Notamment, l’insertion d’excroissances placées sur le front ou sur la tête, « relève d’une tendance présente dans l’art, insusceptible d’appropriation par un artiste« .

Ainsi, les juges estiment qu’il n’est pas démontré que Lady Gaga ait repris l’univers d’Orlan dans son clip et sur la couverture de son album, ni qu’elle se soit placée dans son sillage pour en tirer un quelconque avantage concurrentiel.

Absence d’atteinte aux droits de la personnalité

Orlan soutient que Lady Gaga s’est appropriée son image, en utilisant son identité physique et des éléments ou acessoires notoires, afin de lui ressembler et de faire sienne son apparence. Elle produit deux séries de photographies à l’appui de sa demande.

Les juges notent dans un premier temps que l’image d’Orlan n’est pas reproduite sur les photographies de Lady Gaga. Ils considèrent ensuite que les lunettes portées par les deux artistes sont de forme et d’aspect différents et ne peuvent constituer des accessoires notoires pour Orlan puisqu’elles ne les portent pas de manière permanente. De même concernant les coiffures bicolores des deux artistes, les juges estiment qu’elles sont distinctes. Orlan ne peut invoquer la reprise d’une coupe de cheveux qui n’est pas constante chez elle. Celle-ci ne peut ainsi constituer un élément représentatif de son image. L’atteinte au droit à l’image est donc totalement écartée par la cour. 

Le « parasitisme artistique », alternative à l’action en contrefaçon

Dans cette affaire, l’artiste française Orlan a notamment attaqué Lady Gaga sur le terrain du droit de la concurrence déloyale et du parasitisme. Le parasitisme a été défini par la jurisprudence sur le fondement de l’article 1240 (anciennement 1382) du Code civil qui dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer« .

La théorie de la concurrence déloyale et du parasitisme permet de conférer une protection a posteriori aux valeurs économiques qui ne seraient pas protégées par un droit de propriété intellectuelle ou un contrat. Trois conditions cumulatives doivent être réunies pour qu’une action en concurrence déloyale ou parasitisme aboutisse :

  • l’existence d’une faute
  • l’existence d’un dommage ou préjudice
  • l’existence d’un lien de causalité entre la faute et le dommage

A la différence de la concurrence déloyale qui suppose l’existence d’une situation de concurrence entre les parties, le parasitisme permet de sanctionner des comportements déloyaux d’un acteur en dehors de toute situation de concurrence. En l’absence de droit de propriété intellectuelle, la théorie du parasitisme permet ainsi de protéger certains investissements.

Mais le parasitisme peut-il véritablement s’appliquer au domaine artistique ?

Dans un arrêt du 27 février 2013, la jurisprudence consacre une nouvelle forme de parasitisme déjà appelé en doctrine « parasitisme artistique ». Celui-ci viendra alors au secours de l’auteur s’estimant copié, en protégeant « l’idée en tant que fruit d’un savoir-faire ou d’un travail intellectuel« . Pour démontrer l’existence d’un parasitisme artistique, deux conditions sont requises :

  1. le placement du parasite dans le sillage de l’oeuvre du parasité dans le but de tirer profit de sa création sans rien dépenses de ses efforts et de son savoir-faire ;
  2. que le public puisse croire que l’oeuvre du parasite est une déclinaison de l’oeuvre première. S’il existe un risque de confusion entre les deux oeuvres pour le public, alors le parasitisme pourrait être constitué.