Dans l’affaire opposant Mme Le Pen au producteur et au diffuseur de l’émission On n’est pas couché, une nouvelle décision vient illustrer l’appréciation par la jurisprudence de l’injure et de la liberté d’expression. Revenons sur le raisonnement judiciaire qui prouve que le droit à l’humour, même satirique, résiste encore.

Le producteur de l’émission On n’est pas couché et le diffuseur étaient poursuivis pour injure à l’égard de Mme Le Pen. Cette dernière estimait comme injurieuse une affichette, diffusée lors de l’émission, dont le titre était « LE PEN; LA CANDIDATE QUI VOUS RESSEMBLE », texte surmontant le dessin d’un étron fumant (sur fond de drapeau national). Ce dessin était issu d’une publication du journal satirique Charlie Hebdo.

Le 3 avril 2014, la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris relaxait le prévenu des fins de la poursuite et débouté Mme Le Pen de toutes ses demandes.

Mme Le Pen formait alors appel de cette décision qui confirmait la décision des premiers juges. Pourtant, la cour de cassation par arrêt du 26 septembre 2016 cassait l’arrêt en toutes ses dispositions. Finalement, le 20 septembre 2017, la Cour d’appel de Paris a relaxé définitivement les prévenus des chefs de la poursuite.

Le raisonnement judiciaire est le suivant :

1. L’affichette est matériellement injurieuse

« L’association de la partie civile à un dessin d’excrément revêt un caractère grossièrement outrageant qui a pu légitimement la heurter ».

Toutefois, le juge a, à la suite, analysé les éléments qui éloignent la nature injurieuse de l’affiche de la caractérisation d’une atteinte à la dignité.

Ces éléments sont :

  • la nature satirique de l’humour revendiquée par la publication,
  • le défaut d’utilisation de l’image de Mme Le Pen,
  • « la circonstance qu’au regard du contexte de sa diffusion et de sa teneur, l’affiche litigieuse, qui renvoie tant à la partie civile qu’à son électorat auquel elle « ressemble », comporte implicitement mais nécessairement une appréciation de son positionnement politique dans le cadre de l’élection présidentielle ».

2. L’infraction n’est cependant pas imputable aux personnes poursuivies

Le juge a considéré que Laurent Ruquier s’est contenté d’exhiber la parodie d’affiche litigieuse parmi celles d’autres candidats, en précisant sur son origine et en avertissant sur son caractère polémique par l’emploi de l’expression « C’est satirique, c’est Charlie Hebdo » et ce dans le cadre de la séquence d’une émission elle-même volontiers polémique.

En conséquence, la Cour d’appel a confirmé le jugement.

Elle entre donc en voie de résistance contre la cour de cassation qui à rebours avait jugé que le dessin et la phrase poursuivis dépassaient les limites de la liberté d’expression.

Le droit à l’humour même satirique résiste encore…