La situation de crise sanitaire liée au Covid-19 que vivent actuellement les entreprises est pour le moins inédite. Si ce n’est certainement pas la première crise à laquelle elles sont confrontées, celle-ci en particulier amène plus que jamais les entreprises à s’interroger avec inquiétude sur le devenir de leur activité à l’heure du redémarrage de l’économie nationale.

Peu importe l’origine de la crise et ses impacts sur l’activité des entreprises, tous les dirigeants devraient avoir connaissance des différents outils qui sont mis à leur disposition pour lutter contre les difficultés qui découlent de ces crises.

Dans l’esprit des dirigeants, l’inquiétude générée par la redoutée liquidation judiciaire prend bien souvent le dessus, à tel point qu’aucune autre action juridique n’est envisagée pour redresser la situation en amont.

Des outils légaux ont été créés pour venir en aide au dirigeant qui, conscient des difficultés à venir, souhaite réagir avec anticipation.

Les solutions qui vont être développées en suivant font pour chacune appel à l’assistance des tribunaux qui en ce temps de crise sanitaire sont fermés au public, sauf contentieux relatif aux libertés.

Cet article permettra donc aux dirigeants des entreprises victimes de la crise actuelle, de réfléchir d’ores et déjà à l’élaboration d’une stratégie pour pallier les difficultés qui découleront indubitablement de la crise économique engendrée par le Covid-19.

Le Cabinet Klein Avocats se tient à votre disposition pour vous aider à élaborer la stratégie qui correspond le mieux à votre situation.

DEMANDER DES DELAIS DE PAIEMENT 

L’entreprise confrontée à des difficultés de paiement de ses dettes peut saisir le juge en demandant à bénéficier des dispositions de l’article 1343-5 du Code civil qui permettent :

  • De solliciter des délais de paiement : lorsque le juge est saisi d’une telle demande, il prend en considération d’une part la situation du débiteur et d’autre part les besoins du créancier pour décider d’octroyer un report de la dette contractuelle ou délictuelle ou un échelonnement de celle-ci.

Ce report ou cet échelonnement est limité à deux années maximum.

Il ne peut être octroyé pour une dette alimentaire.

Dans ce cadre, le juge peut par exemple tenir compte des paramètres suivants : la bonne foi de l’entreprise débitrice, l’ancienneté de sa dette, la solidité financière de son créancier etc…

  • De solliciter la réduction du taux d’intérêts initialement fixé : par décision spéciale et motivée, le juge peut compléter sa décision d’octroi de délais de paiement avec une mesure de réduction du taux d’intérêt initial. Il peut réduire ce taux jusqu’au taux légal en vigueur.
  • De solliciter l’imputation des paiements sur le capital : de la même manière, le juge peut décider que les paiements de l’entreprise débitrice s’imputeront en premier lieu sur le capital dû et non sur les intérêts.

Ces deux dernières mesures ne peuvent pas se cumuler.

La décision du juge d’octroyer ces mesures à l’entreprise débitrice a pour effet de suspendre les procédures d’exécution qui auraient pu être engagées par ses créanciers.

De même, si cette demande de report ou d’échelonnement des dettes est acceptée par le juge, les créanciers ne pourront mettre en place aucune procédure d’exécution pendant la durée de la mesure ordonnée.

Néanmoins l’article 513 du Code de procédure civile précise que s’agissant des délais de grâce, les mesures conservatoires sollicitées par les créanciers ne seront pas suspendues (saisie-conservatoire, sûreté judiciaire).

Enfin, si le juge décide d’octroyer des délais de paiement à l’entreprise débitrice, les majorations d’intérêts ou les pénalités de retard ne seront pas encourues pendant le délai accordé.

 

MIEUX VAUT PREVENIR QUE GUERIR

Les entreprises qui éprouvent des difficultés économiques, juridiques ou financières (notament face à la crise due au Coronavirus ou Covid-19) peuvent bénéficier de deux procédures à caractère préventif appelées le mandat ad hoc et la conciliation.

Le but de l’entreprise qui fait appel à l’une de ces deux procédures est de négocier un accord avec ses créanciers de façon amiable et confidentielle par un mandataire ad hoc ou un conciliateur qui aura été désigné par le Tribunal de Commerce ou par le Tribunal Judiciaire. 

Le bénéfice de ces mesures n’empêche pas le dirigeant de continuer à diriger et à gérer seul son entreprise.

La désignation d’un mandataire ad hoc (article L611-3 du Code de commerce)

Le mandat ad hoc peut être sollicité dès que la société éprouve de simples difficultés.

La désignation du mandataire ad hoc n’est pas publique, la confidentialité de la mesure et de l’existence des difficultés éprouvées par l’entreprise est donc assurée.

Dans ce même but de confidentialité, le dirigeant n’est pas tenu d’informer le comité d’entreprise ou les délégués du personnel de sa demande de désignation d’un mandataire ad hoc.

Le mandataire ad hoc est ainsi chargé de négocier un accord avec les principaux créanciers de l’entreprise en difficultés aux fins d’obtenir de nouveaux échelonnements des dettes. Toutefois ces créanciers ne sont pas tenus d’accepter les propositions du mandataire et rien ne peut leur être imposé.

L’objectif premier du mandat ad hoc est d’éviter que l’entreprise passe en état de cessation des paiements.

Le recours à la procédure du mandat ad hoc n’est donc possible que si l’entreprise en question n’est pas déjà en état de cessation des paiements.

L’état de cessation des paiements se traduit par l’impossibilité pour l’entreprise de faire face à son passif exigible (ensemble des dettes arrivées à échéance) avec son actif disponible (liquidités immédiatement disponible et actifs susceptibles d’être mobilisés immédiatement).

Le mandataire ad hoc est en général désigné pour une durée de quelques mois.

Le renouvellement de sa mission peut être sollicité auprès du même juge.

La sollicitation d’une mesure de conciliation (articles L611-5 et suivants du Code de commerce)

La conciliation peut être sollicitée par le dirigeant en cas de difficultés juridiques, économiques ou financières existantes ou prévisibles. 

Une entreprise ne peut en demander le bénéfice que si elle n’est pas en état de cessation des paiements ou si elle est en mesure de prouver qu’elle est en état de cessation des paiements depuis moins de 45 jours.

Le conciliateur désigné par le juge a pour mission de favoriser la conclusion d’un accord amiable entre l’entreprise débitrice et ses principaux créanciers.

L’accord de conciliation doit permettre à l’entreprise en difficultés d’obtenir des échelonnements de dettes, des remises de dettes ou encore des crédits.

Cet accord a pour but de favoriser la poursuite de l’activité de l’entreprise.

Tout comme l’accord qui est trouvé dans le cadre du mandat ad hoc, par principe l’accord de conciliation ne fait l’objet d’aucune publicité et seuls les signataires ont connaissance de son existence.

Pendant l’exécution de l’accord, les créanciers signataires ne sont pas autorisés à poursuivre le paiement de leur créance auprès de l’entreprise débitrice.

Quant aux créanciers qui n’ont pas souhaité participer à l’accord de conciliation, ils peuvent s’ils le souhaitent poursuivre le recouvrement de leur créance auprès de l’entreprise.

A la différence de l’accord établi avec l’assistance d’un mandataire ad hoc, le dirigeant qui bénéficie d’un accord de conciliation peut obtenir son homologation auprès du juge si trois conditions sont réunies : 

  • L’entreprise bénéficiaire ne doit pas être en état de cessation des paiements,
  • L’accord de conciliation est de nature à assurer la pérennité de l’entreprise,
  • L’accord ne lèse pas les intérêts des créanciers non signataires.

L’homologation de l’accord de conciliation a des effets non négligeables puisqu’elle permet : 

  • D’interdire ou d’arrêter de manière officielle toute poursuite en justice de la part des signataires,
  • De lever l’interdiction d’émettre des chèques si celle-ci avait été prononcée avant le début de la procédure de conciliation,
  • L’octroi d’une priorité de paiement aux créanciers qui dans le cadre de l’accord se sont engagés à apporter des fonds, des biens ou des services à l’entreprise débitrice. Cette priorité de paiement vaudra uniquement si à la suite de cet accord, l’entreprise fait l’objet d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire.

La procédure de conciliation est ordonnée par le juge pour une première période qui ne peut excéder 4 mois.

Cette durée peut être prolongée par une décision motivée du juge sans que la durée totale de la conciliation excède 5 mois.

Au vu de la brièveté de cette procédure, il apparait préférable d’en solliciter le bénéfice si des négociations avec les créanciers ont déjà été amorcées.

Si aucun accord n’est possible, le juge met fin à la mission du conciliateur et à la procédure de conciliation.

L’article L611-5 du Code de commerce rend inapplicable cette procédure de conciliation aux agriculteurs qui bénéficient d’une procédure spécifique régie par le Code rural et de la pêche maritime.

 

LA SAUVEGARDE JUDICIAIRE : LA VOIE DE L’ANTICIPATION

La procédure de sauvegarde judiciaire constitue avec le mandat ad hoc et la procédure de conciliation, l’une des voies qui peuvent être empruntées dans un but préventif.

Comme la procédure de mandat ad hoc, le bénéfice de la procédure de sauvegarde judiciaire ne peut être sollicité que si l’entreprise débitrice n’est pas en état de cessation des paiements.

Elle est réservée aux entreprises qui font l’objet de difficultés existantes de toute sorte (économiques, juridiques, financières), difficultés qu’elles ne sont pas en mesure de surmonter.

Ces difficultés doivent être de nature à compromettre la pérennité de l’activité sans pour autant rendre l’entreprise incapable de régler ses dettes.

De ce fait, le dirigeant ne peut solliciter le bénéfice de la procédure de sauvegarde, que s’il fait preuve d’une véritable anticipation de la dégradation de la situation financière de son entreprise.

La procédure de sauvegarde judiciaire se déroule en trois phases : 

  • l’ouverture de la procédure, 
  • la période dite « d’observation »
  • et le plan de sauvegarde.

Les effets de l’ouverture de la procédure

Les dettes dont le fait générateur est antérieur au jugement d’ouverture sont « gelées », leur paiement est suspendu jusqu’à l’élaboration d’un plan de sauvegarde.

Les dettes postérieures au jugement d’ouverture doivent être payées à échéance.

Si ce paiement n’est pas envisageable, cela signifie que la situation de détresse de l’entreprise est trop avancée pour que celle-ci puisse bénéficier de la procédure de sauvegarde. Il faudra alors songer à solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.

 

La période d’observation

Cette période qui dure 6 mois et qui peut être renouvelée deux fois maximum, permet à l’entreprise en difficulté de reconstituer sa trésorerie.

Elle permet également d’évaluer avec précision le montant exact du passif de l’entreprise grâce aux déclarations de créance communiquées par les créanciers au mandataire judiciaire et à la vérification de ces créances opérée par le dirigeant.

Pendant cette période particulière, les créanciers antérieurs au jugement d’ouverture ont l’interdiction de poursuivre ou d’engager des démarches pour être payés.

La période d’observation est une période « test » permettant de s’assurer que l’entreprise est en mesure de poursuivre son activité sans générer de nouvelles dettes.

Si l’entreprise venait à ne pas régler ses dettes courantes (postérieures au jugement d’ouverture), il serait immédiatement mis fin à la période d’observation et l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire pourrait être prononcée par le juge.

Au terme de cette période, des propositions de remboursement sont formulées auprès des créanciers antérieurs. Ceci permet l’élaboration d’un plan de sauvegarde.

 

Le plan de sauvegarde

Le plan de sauvegarde est un plan de remboursement des créanciers élaboré à l’aide des informations recueillies au cours de la période d’observation.

Ce plan arrête précisément le montant des sommes dues par l’entreprise en difficulté et fixe le montant des sommes qu’elle peut raisonnablement rembourser annuellement.

La durée maximale du plan est de 10 ans (15 ans pour les agriculteurs), mais elle peut être inférieure.

En général les remboursements sont annuels et représentent un pourcentage de la somme totale à rembourser : 

  • Les deux premières annuités peuvent représenter des taux plus bas que les autres années.
  • A partir de la 3ème annuité, la loi fixe un paiement minimum de 5% des sommes à rembourser.
  • Le premier remboursement doit intervenir au maximum 1 an après la date du jugement qui a homologué le plan de remboursement.

Les acteurs de la procédure

La procédure de sauvegarde judiciaire engendre des coûts financiers importants pour l’entreprise.

En effet, le recours à cette procédure entraîne la désignation par le tribunal d’acteurs indispensables à son déroulé : l’administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire. Leur rémunération est à la charge de l’entreprise.

L’administrateur judicaire n’est obligatoire que si l’entreprise emploie plus de 20 salariés et que son chiffre d’affaires hors taxes est supérieur ou égal à 3 millions d’euros. Dans les autres cas sa désignation est facultative. Sa préoccupation est l’assistance du gérant dans la gestion quotidienne de l’entreprise et dans son éventuelle restructuration. Il doit également veiller à ce qu’un nouveau passif ne se forme pas.

Le mandataire judiciaire est obligatoire. Es qualité de représentant des créanciers, il est chargé de recenser l’ensemble des créanciers et des dettes de l’entreprise en difficulté. C’est lui qui exécutera le plan et répartira les sommes entre les créanciers.

L’avocat est une aide et un soutien précieux pour l’entreprise en difficulté qui se trouve plongée dans cette procédure. Il représente les intérêts de l’entreprise aux audiences de contrôle qui se tiennent au cours de la période d’observation et travaille en association avec l’administrateur judiciaire lorsqu’il est nommé par le juge.

La sortie de la procédure de sauvegarde

  • La suspension des poursuites offerte par la seule ouverture de la procédure peut parfois suffire à résoudre les difficultés de l’entreprise. Dans ce cas, le juge peut constater que les difficultés ont été résolues et décider de mettre un terme à la procédure sans homologuer de plan de remboursement.
  • Si au cours de la procédure, l’entreprise passe en état de cessation des paiements, le juge convertira la procédure de sauvegarde en procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire s’il s’avère que le redressement est manifestement impossible.

 

LE REDRESSEMENT JUDICIAIRE : UN NOUVEAU SOUFFLE POUR L’ENTREPRISE EN DIFFICULTES

En sollicitant l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, le dirigeant sollicite l’application d’une mesure non plus de prévention des difficultés mais une mesure de traitement des difficultés.

En effet, lorsque l’entreprise sollicite le bénéfice d’une procédure de redressement judiciaire, elle est déjà en état de cessation des paiements et fait donc déjà face à d’importantes difficultés.

Dans la situation actuelle, si des difficultés étaient présentes avant la crise sanitaire générée par le Covid19, il est probable qu’à l’heure de la reprise de l’activité, les procédures préventives ne soient pas suffisantes pour rétablir la situation financière de l’entreprise.

La procédure de redressement judiciaire est dans ce cas l’outil le mieux adapté pour répondre à ces difficultés.

De manière générale, la procédure de sauvegarde judiciaire et la procédure de redressement judiciaire sont très similaires.

La plus grande différence entre ces deux procédures est l’existence d’un état de cessation des paiements en redressement judiciaire. 

Cependant l’ouverture de la procédure de redressement a le même effet de « gel » sur les créances antérieures.

Une période d’observation est également ouverte en redressement judiciaire. Elle permet de redonner une bouffée d’oxygène à l’entreprise qui peut se défaire pour un temps des créances antérieures et se concentrer sur le maintien de son activité.

Les mêmes acteurs sont sollicités (administrateur judiciaire, mandataire judicaire, avocat).

Un plan de remboursement est également élaboré sur un maximum de 10 ans.

Malgré les similitudes de ces deux procédures, l’anticipation des difficultés par le dirigeant qui réagit suffisamment tôt pour se placer en sauvegarde plutôt qu’en redressement est récompensée par le législateur : 

  • En sauvegarde c’est le dirigeant qui établit l’inventaire de ses actifs alors qu’en redressement, l’inventaire sera obligatoirement établi par un huissier de justice ou un commissaire-priseur,
  • La rémunération du dirigeant reste libre en sauvegarde alors qu’en redressement elle peut être réduite par le juge commissaire (magistrat en charge du suivi de la procédure),
  • Les licenciements sont libres en sauvegarde alors qu’en redressement le juge commissaire doit les autoriser,
  • La caution personne physique bénéficie du plan de sauvegarde dans le sens où elle ne sera pas sollicitée par la banque tant que le plan est respecté. En revanche, en redressement, la caution peut, dès lors que le plan est homologué par le juge, être actionnée par la banque pour le paiement de la totalité de la somme due par l’entreprise. La caution se substitue aux créanciers dans les effets du plan et sera remboursée par l’entreprise débitrice sur plusieurs années.
  • La cession de l’entreprise est rarement envisagée en procédure de sauvegarde, même si une restructuration peut se manifester par la cession d’une ou plusieurs branches d’activité en complément du plan. En redressement judiciaire, la cession de l’entreprise est pleinement envisagée comme une alternative au plan de remboursement. Le dirigeant peut donc se trouver dépossédé de son entreprise.

Le redressement judiciaire est trop souvent et à tort, associé à la liquidation de l’entreprise et à sa disparition.

Contrairement à cette image négative qui lui est attribuée par le grand public, le redressement judiciaire, s’il est correctement manié, peut en réalité être un outil permettant de redonner à l’entreprise un nouveau souffle.

Certes l’ouverture de cette procédure représente un chamboulement important dans la vie d’une entreprise mais c’est un chamboulement nécessaire qui peut s’avérer être la solution pour sauver l’entreprise de la faillite. 

Avocats en droit du travail et des sociétés au barreau de Bayonne, nous vous conseillons et vous accompagnons dans la mise en place de ces démarches pour sauvegarder votre entreprise,etéviter la cessation d’activité définitive face au coronavirus.