Par deux arrêts récents, notre Cour de cassation a précisé les conditions d’appréciation de l’usage sérieux d’une marque.

Il faut savoir que sous peine de déchéance, une marque doit impérativement faire l’objet d’un usage « sérieux » par son propriétaire pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée. Une absence d’un tel usage pendant une période ininterrompue de plus de 5 ans peut entraîner la perte de la marque.

Dans la première affaire (Com. 23-21.296)[1], les sociétés G7, spécialisées dans le transport frigorifique de marchandises, agissaient contre le Groupe Rousselet, lequel exploite les taxis G7, en déchéance partielle de deux marques « G7 », enregistrées notamment pour des services de transport au motif que ces marques ne désignent en pratique que des services de taxis.

La cour d’appel avait retenu que l’usage de la marque G7 pour des taxis suffisait à caractériser un usage pour des services de transport. La Cour de cassation censure cette analyse.

Selon elle, la cour d’appel aurait dû rechercher si les preuves d’usage qui ne concernaient que le seul service de taxis, ne se rapportaient pas à une sous-catégorie autonome moins large que les catégories de « transports » et « transports de voyageurs », de sorte que cet usage ne pouvait justifier le rejet de la demande de déchéance pour la totalité des services relevant de ces catégories.

Autrement dit, l’usage d’une marque pour des services de taxis ne suffit pas à établir un usage pour la catégorie plus large des services de transport.

Dans la seconde affaire (Com. n°23-21.866)[2], la société Univers Pharmacie agissait en déchéance de la marque verbale « Skin’up » appartenant à une société éponyme et enregistrée pour désigner divers produits en classe 3, notamment des « huiles essentielles » et « cosmétiques ».

Les preuves d’usage rapportées par la société Skin’up étaient relatives à des brumes amincissantes et des textiles de soins amincissants contenant dans leurs fibres des substances actives telles que des huiles essentielles.

Alors qu’elles avaient été accueillies au titre de l’usage sérieux par la cour d’appel, la Cour de cassation casse l’arrêt estimant que :

  • les preuves d’usages relatives à des produits cosmétiques dans la composition desquels entrent des huiles essentielles ne peuvent en elles-mêmes valoir pour des huiles essentielles,
  • la cour d’appel aurait dû rechercher si les produits cosméto-textiles ne constituaient pas une sous-catégorie autonome au sein de la large catégorie des cosmétiques.

En retenant ces solutions, la Cour de cassation se calque sur la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE, 22 oct. 2020, Ferrari, C-720/18 et C-721/18).

Ainsi, lorsque des produits ou services d’une même grande catégorie peuvent être divisés en sous-catégories distinctes, le titulaire ne peut pas conserver ses droits sur la marque pour la grande catégorie s’il ne prouve un usage que pour une seule sous-catégorie.

Cette jurisprudence rappelle l’importance du juste choix des produits et services désignés lors du dépôt d’une marque, le choix d’une catégorie trop large pouvant, des années plus tard, causer la déchéance de la marque pour défaut d’usage sérieux.

Bien qu’exigeante à l’égard du titulaire de marque, cette jurisprudence s’inscrit dans une logique de limitation de dépôts abusivement étendus souvent effectués sans intention réelle d’exploitation.

Elle oblige le titulaire à être particulièrement vigilant dès la création de sa marque.

En pratique, il convient donc d’adapter sa stratégie de dépôt à son activité commerciale effective en tachant d’être suffisamment précis dans la désignation des produits ou services à protéger.

Notre cabinet est là pour vous accompagner dès le dépôt de votre marque dans cette stratégie.

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051617800

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051617796?init=true&page=6&query=&searchField=ALL&tab_selection=juri